dimanche 24 février 2013

Les sept cailloux dans la chaussure de Van Cau



© Belga
Reconverti en peintre paysagiste carolo-provençal, l’ex-ministre-président wallon et ancien bourgmestre socialiste de Charleroi, Jean-Claude Van Cauwenberghe, est actuellement au centre de diverses procédures judiciaires. Demande de renvoi devant la Cour d’appel, à Liège. Poursuite d’autres enquêtes, à Charleroi. Pris en tenaille, Van Cau? L’homme crie à l’acharnement.

Mais quels sont donc les cinq dossiers judiciaires pour lesquels le procureur général de Liège, Christian De Valkeneer, souhaite faire comparaître Jean-Claude Van Cauwenberghe devant la Cour d’appel de la Cité ardente? Le dossier «Immo Congo» et celui dit «du hall omnisport de Beaumont» ont été cités par La Libre Belgique. Le JT de la RTBF a, pour sa part, évoqué un troisième dossier lié à des pressions qu’aurait exercées l’ex-homme fort de Charleroi pour l’octroi d’un subside régional aux Chantiers navals de Thuin…

Sur la base de divers recoupements, Marianne Belgique peut aujourd’hui révéler la nature de ces cinq dossiers, qui en réalité sont au nombre de… sept. Cinq font donc l’objet d’une demande formelle de renvoi devant un tribunal, mais il faut avant ça que la commission des Poursuites du Parlement wallon donne son feu vert.

Mais deux autres dossiers seraient toujours à l’instruction à Charleroi. Il s’agirait du dossier «Sodexo» et de l’«affaire Wagner». Pourquoi n’ont-ils pas rejoint Liège comme les cinq autres? Les faits reprochés à JCVC auraient été essentiellement commis sous sa casquette de mandataire communal de Charleroi, et non de ministre. Il n’y aurait donc aucune raison de les transférer à Liège, où la Cour d’appel est seule compétente pour juger les ministres – actuels ou anciens. Une version que contesteraient les avocats de Van Cau.

Le point sur ces sept dossiers qui s’accumulent comme autant de cailloux dans la chaussure de l’ancien ministre-président wallon. Se mueront-ils en grains de sable ou en encombrants galets? Notez les conditionnels et les nombreux points d’interrogation, les enquêtes au long cours n’ayant pas livré leur verdict judiciaire et la présomption d’innocence étant de mise.


1. Dépenses douteuses en Chine
Le pitch. Van Cau aurait réalisé des dépenses douteuses lors d’un voyage officiel en Chine. Il s’agirait d’une mission économique réalisée en novembre 2004 en compagnie du Prince Philippe, du ministre fédéral de l’Economie Marc Verwilghen, de la ministre flamande de l’Economie Fientje Moerman, et du ministre-président de la Région bruxelloise Charles Picqué. Une mission hors normes de huit jours, forte de 500 personnes représentant quelque 200 entreprises et organismes belges. Elle est passée par Pékin, Shanghaï et Guangzhou.
La procédure. C’est le dossier «surprise», instruit dans la plus grande discrétion.


2. Fournitures de mobilier au gouvernement wallon
Le pitch. Le parquet soupçonne Jean-Pierre Paquet, ami et architecte de Van Cau, d’avoir surfacturé des fournitures de mobilier à l’Elysette, siège namurois du gouvernement wallon, à l’époque où JCVC présidait la Région. Ces surfacturations auraient été réalisées par la SPRL Arcade, société carolo d’aménagement et de décoration gérée par Paquet, qui fut par ailleurs un des fournisseurs de la ville de Charleroi à une certaine époque. Van Cau s’est exprimé par voie de presse sur ce dossier : il s’agit à ses yeux d’un «faux dossier» et il déplore un «acharnement» du parquet de Charleroi à son égard.
La procédure. Le dossier a été mis à l’instruction début juillet 2009 chez le conseiller Philippe Gorlé de la Cour d’appel de Liège, faisant office de magistrat instructeur.


3. Chantier de Thuin
Le pitch. Le magasin Optique Point de Mire de Thuin fait partie d’une chaîne de magasins de lunettes appartenant aux Mutualités socialistes de Charleroi. Jean-Claude Van Cauwenberghe était administrateur de la chaîne et président des Mutualités. On lui reprocherait d’avoir négocié des marchés à des conditions préférentielles en échange de petits cadeaux. Son ami entrepreneur Michel Vandezande aurait ainsi obtenu un chantier à Thuin contre de menus travaux réalisés gratuitement. Pour Van Cau, la justice se fourvoie, et toute cette affaire ne serait que du vent.
La procédure. A l’instar du dossier «fournitures de mobilier», l’instruction a démarré en juillet 2009 à Liège.


4. Hall omnisports de Beaumont
Le pitch. JCVC est suspecté d’avoir pesé de tout son poids politique pour l’attribution d’un contrat à son ami entrepreneur Michel Vandezande. Il s’agit de la fourniture clé sur porte d’un hall sportif sur le territoire de Beaumont, au sud de Charleroi. Vandezande est le patron d’une entreprise de construction souvent choisie par l’ex-majorité absolue socialiste au pouvoir dans la Métropole.
La procédure. Van Cau a été inculpé de corruption passive en avril 2010 par le magistrat instructeur Philippe Gorlé de la cour d’appel de Liège. Ses avocats ont toujours considéré que la perquisition menée à son domicile en juin 2008 était illégale. Pour l’anecdote, c’est lors de cette «visite» qu’une lettre avait été exhumée derrière un tiroir de sa table de nuit. Le roi de l’immobilier carolo Robert Wagner, un autre favori du pouvoir de l’époque, suggérait à son ami politique de… lui rembourser un voyage aux Maldives (voir l’affaire Wagner ci-dessous).


5. Immo Congo
Le pitch. En 2004, la représentation internationale de la Région wallonne et de la Communauté française avait besoin d’être logée dans un nouvel immeuble à Kinshasa. Un marché public avait été lancé afin de désigner une entreprise belge chargée de prospecter le marché immobilier local. Dans ce dossier, Van Cau serait suspecté de manœuvres ayant permis de désigner, en cours de route, un autre soumissionnaire figurant parmi ses amis, le réviseur d’entreprise Daniel Lebrun. Et cela à la place de celui initialement retenu.
La procédure. Ce dossier avait déclenché une information judiciaire au parquet de Charleroi, en octobre 2006. Il a été soumis aux fourches caudines d’une commission d’enquête parlementaire plutôt accommodante, fin 2006. Puis transmis à Liège en 2009, et mis formellement à l’instruction récemment, semble-t-il.


6. Repas scolaires Sodexo
Le pitch. En 2003, la firme Sodexo est chargée de fournir 740 repas quotidiens aux élèves de l’enseignement communal de Charleroi. Mais un bon tiers des écoliers préfèrent les tartines aux dîners Sodexo, ce qui ne permet pas à la firme de rentrer dans ses frais. Jean-Claude Van Cauwenberghe, qui était alors conseiller communal mais aussi ministre-président de la Région wallonne, a confirmé avoir rencontré « fortuitement » l’un des patrons de Sodexo aux Issambres (Côte d’Azur). Van Cau y possède une maison. Les deux hommes auraient partagé… un repas au restaurant. Selon l’enquête, un arrangement aurait été trouvé pour « compenser » le manque à gagner de Sodexo en permettant à l’entreprise de surfacturer les repas scolaires livrés.
La procédure. Van Cau a été inculpé pour corruption passive et escroquerie en octobre 2011. Il nie totalement les faits qui lui sont reprochés et parle d’acharnement de la justice carolo. En 2008, trois autres personnes ont été inculpées, dont l’ex-échevin de l’Enseignement, Jean-Pol Demacq, pour détournement par fonctionnaire public.


7. L’affaire Wagner
Le pitch. L’affaire concerne les liens intenses entre l’homme d’affaires Robert Wagner et son ami politique Jean-Claude Van Cauwenberghe. L’enquête judiciaire aurait retracé tous les épisodes d’une ascension en parallèle. L’un dans le business immobilier. L’autre en politique. De la construction d’un centre commercial sur un terrain industriel, obtenu à bas prix et via une procédure d’octroi de permis douteuse, à l’acquisition par Van Cau d’une maison vendue… à bas prix par la famille Wagner, à la côte d’Azur.
La procédure. Une instruction a été ouverte à l’été 2008 à Charleroi. Jean-Claude Van Cauwenberghe n’aurait pas été inculpé. Mais il s’agit d’un dossier «blanchiment», pour lequel la prescription est extensive.

David Leloup

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