A l’époque de Karel Vinck, la SNCB avait de très bons résultats en
matière de ponctualité. Dernier administrateur de la SNCB unitaire, l’homme fut
chargé de sortir la société du marasme financier. Tout cela dans un
contexte où la SNCB accusait des pertes opérationnelles énormes avec sa filiale
ABX. Karel Vinck mit en place le business plan
« Move » qui devait assurer un retour à l’équilibre financier en 2008. On connaît la suite…
« Move » qui devait assurer un retour à l’équilibre financier en 2008. On connaît la suite…
M… Belgique : Comment trouvez-vous le nouveau plan de transport de la SNCB ? Comment expliquez-vous les critiques qui entourent ce plan depuis sa mise en place ?
Karel Vinck : Je ne connais pas le détail
du plan, et ce n’est pas à moi de critiquer celui-ci. Ceci dit, et d’une façon
plus générale, quand on met un plan de transport en place, sans mettre les
moyens financiers qui l’accompagnent, il est normal que les disponibilités
financières réduites limitent le plan d’action possible. En somme, on fait du
mieux qu’on peut, avec les moyens que l’on a. Discuter d’un plan de transport,
sans tenir compte des moyens, cela n’a pas beaucoup de sens.
Selon vous, quelle est l’urgence pour la
SNCB ? Et quel est le scénario le plus plausible à court terme ?
K.V. Personnellement, j’estime que l’opérateur
SNCB n’a pas la liberté suffisante pour fixer sa tarification. Celle-ci dépend
encore trop du pouvoir politique, qui ne prend pas suffisamment en compte
l’équilibre entre l’objectif de mobilité et les besoins financiers de
l’entreprise en termes d’infrastructures et d’opérations. S’il l’on veut un
service et une offre ferroviaires de qualité, il faut les payer à leur juste
valeur. Je crois sincèrement que la SNCB devrait avoir plus d’emprise sur la
tarification dans une politique d’encadrement de la mobilité qui est de la
responsabilité du gouvernement. Un des éléments fondamentaux pour une bonne
gestion ferroviaire est la continuité dans le processus décisionnel. Or, en
Belgique, on manque cruellement de continuité dans la gestion de nos
entreprises ferroviaires car elle dépend trop souvent des changements de
majorité politique. La priorité, c’est de permettre à la SNCB d’atteindre
l’équilibre entre ses coûts opérationnels et ses revenus, en mettant en place
un plan d’investissement tant dans l’infrastructure, le matériel roulant, que
les gares, qui refléterait une volonté manifeste de service de qualité. Quand
j’ai quitté la SNCB en 2004, la société était restructurée, et l’intention du
gouvernement que je souscrivais était de limiter à un minimum l’intervention de
l’Etat dans la gestion, afin d’éviter dans la mesure du possible un nouveau
déraillement de l’endettement. Cela n’a pas été possible pour beaucoup de
raisons, parmi lesquelles les tensions existantes entre les trois nouvelles
entités qui ont été mises en place après mon départ. Cette structure n’était
absolument pas indiquée pour assurer une gestion efficiente, ce que j’ai fait
remarquer en son temps aux responsables. Aujourd’hui, et l’on doit s’en
féliciter, il semble y avoir une stratégie commune entre Jo Cornu, le CEO de la
SNCB, et Luc Lallemand, le CEO d’Infrabel. C’est la condition sine qua non pour
un bon fonctionnement de l’entreprise et pour la mise en place d’une réelle
complémentarité entre le gestionnaire d’infrastructure et l’opérateur.
Aujourd’hui, la SNCB compte en son sein 33 000
personnes. Selon vous, quel doit être l’effectif idéal pour un bon
fonctionnement d’une entreprise ferroviaire comme la SNCB. Pendant votre
mandat, vous misiez sur 32 000 personnes. Est-ce toujours le cas ?
K.V. : Aujourd’hui, je reste persuadé que le
groupe ferroviaire, incluant Infrabel et la SNCB, peut fonctionner dans ce
cadre de 32000 personnes. Peut-être même moins, en faisant appel aux
possibilités technologiques disponibles. Comme j’en ai fait l’expérience dans
de nombreuses entreprises, à l’occasion de restructurations nécessaires, la
recherche d’une efficacité optimale a, par après, créé de l’emploi direct et indirect.Pourquoi
en serait-il autrement à la SNCB ? Ceci dit, on ne doit pas toucher au
personnel opérationnel : conducteur, agent, technicien… Il faut même le
remplacer, voire augmenter leur nombre si les opérations l’exigent. Par contre,
pour le reste du personnel qui n’est pas directement opérationnel, il faudra
que la direction du groupe SNCB se montre extrêmement exigeant sur son nombre.
Sur le climat social, comment le jugez-vous ?
Doit-on craindre de graves conflits entre direction et travailleurs ?
K.V. : On est arrivé à une situation telle que
les méthodes classiques de négociation ne correspondent plus aux exigences
opérationnelles de l’entreprise. Je ne vois aucun inconvénient à ce que la
ministre Galant reprenne l’initiative de la concertation sociale suivant des
critères nouveaux qui doivent nécessairement être avalisés par le pouvoir
politique. Contrairement à l’époque où je dirigeais le SNCB, les leaders
syndicaux semblent aujourd’hui moins contrôler leurs troupes. On sent plus de
flottement aussi, d’où le sentiment d’instabilité permanente. Pourtant, plus
que jamais, le dialogue est essentiel pour trouver entre direction et
travailleurs des objectifs communs à atteindre dans le cadre du service public
à garantir.
En 2015, quels sont, selon vous, les points
faibles du rail belge ? Est-il en retard sur d’autres réseaux européens ?
K.V. : Aujourd’hui, au niveau européen, notamment en matière
d’infrastructure, Infrabel est bien placé dans le peloton de tête. Depuis le
malheureux accident de Buizingen, un travail énorme a été effectué parce que
les politiques ont pris leurs responsabilités. Au niveau de l’opérateur SNCB,
c’est beaucoup plus difficile quand on compare l’offre et les services présents
dans d’autres pays. A mon avis, des efforts considérables doivent encore être
faits tant dans les opérations que dans les investissements. La direction
actuelle s’y emploie, d’après ce que je lis. Mais prenons un exemple criant :
la gare du Midi, porte d’entrée de beaucoup d’étrangers en Belgique et à
Bruxelles, est à moitié terminée.
Propos recueillis par Pierre Jassogne
pierre.jassogne@mbelgique.be