mercredi 23 juillet 2014

Alors raciste, la N-VA ?

Belga
Voici quelques semaines, le président du MR, Charles Michel, affirmait que la N-VA avait des «relents racistes». Depuis, il y a eu les élections, et l'on sait que le MR devrait se retrouver dans un gouvernement avec ce parti aux relents racistes, donc. On le sait aussi, la N-VA a rejoint des partis d'extrême droite au Parlement européen. Le pedigree des nouveaux compagnons de route de la N-VA vient ainsi confirmer toutes les critiques du MR, mais aussi celles du cdH, pendant la campagne sur le racisme du premier parti de Belgique. Avec cette nouvelle donne, on ne pourra plus nous reprocher de tenter cette comparaison terrible, mais nécessaire, entre nationalisme et racisme.

Qu’est-ce qui distingue le désormais fameux « Walen buiten » d’un « Dehors les Noirs » ? « Selon moi, ce n’est pas moins grave. J’ai depuis des années expliqué que le racisme est un élément du conflit entre Flamands et francophones, et que tout nationalisme porte en germe le racisme. »
C’est ce qu’explique Anne Morelli, historienne à l'ULB.
Avec la victoire incontestable de la N-VA aux dernières élections, risque-t-on une recrudescence du nationalisme flamand, et donc d’un racisme belgo-belge ? « Quand Bart De Wever s’adresse aux francophones, c’est comme un loup qui s’adresse aux agneaux pour entrer dans la bergerie… Mais y a-t-il quelqu’un d’assez naïf pour croire qu’il voulait vraiment faire ami-ami avec nous. Je crois qu’il y a derrière ses discours un certain nombre de comportements nationalistes, des comportements forcément racistes puisque le nationalisme, c’est de mettre en valeur sa culture, sa langue, considérer que les Flamands sont à protéger contre les autres. »
Mais pour l’historienne, il faut être clair : la N-VA n’est pas raciste envers les étrangers… « Ce n’est pas du racisme par rapport aux Noirs, Juifs ou musulmans, mais la N-VA a bel et bien tous les comportements et toutes les attitudes racistes, des attitudes uniquement dirigées envers les francophones. Si on disait que les Juifs ne pouvaient pas acheter une maison à Dilbeek, ce serait tout à fait scandaleux et on parlerait de racisme, mais si on dit qu’il ne peut pas y avoir de francophones, tout le monde trouvera cela compréhensible, et ce ne sera pas très grave. »
Quant au passage des électeurs du Vlaams Belang vers la N-VA, ces électeurs se sont tournés vers le parti de Bart De Wever, considéré par ceux-ci comme un « homme fort » à la tête d’une N-VA à l’image victorieuse, parce qu’ils y ont trouvé, selon Anne Morelli, suffisamment de « haine du francophone » pour voter « pour un parti qui ne cherche absolument pas à apaiser les conflits communautaires, mais bien au contraire, à les agiter. »
Depuis longtemps maintenant, l’historienne a appliqué un certain nombre de critères définissant des comportements racistes au conflit entre Flamands et francophones.
Le résultat est pour le moins sidérant…

Premier critère : la généralisation à tout un groupe d’un comportement ou d’une manière d’être qu’on a relevés chez l’un ou l’autre individu de ce groupe. « Quand un nationaliste flamand assure que les Wallons tirent profit de la sécurité sociale comme d’une vache à lait, c’est évidemment une généralisation du même type que les comportements racistes. Idem quand les francophones disent que les Flamands ont tous été collabos pendant la guerre, c’est donc aussi une généralisation de la manière d’être et de penser que l’on détermine par une soi-disant origine ethnique. »

Deuxième critère : l’infériorisation d’un groupe par rapport à un autre. « C’est tout à fait présent dans les débats entre Flamands et francophones, et c’est aussi ce phénomène général du racisme qui est à l’œuvre : d’une part, les Flamands considèrent que les francophones vivent une situation sociale et économique d’assistés qu’ils ont voulue et qu’ils continuent d’entretenir. Clairement, il y a un mépris affiché pour les difficultés des Wallons. Mais vous avez aussi l’équivalent de l’autre côté : c’est que les francophones affichent un mépris très franc de la langue flamande, en disant pour se défendre qu’ils ont la langue de Voltaire. Quant au flamand, ils l’ont appris à contrecœur parce que c’est le Nord du pays qui détient la force économique, et que les francophones sont bien contraints de faire des affaires avec leurs voisins flamands. »

Troisième critère : le classement des individus en fonction de leur appartenance supposée. « Si vous prenez votre carte d’identité, celle-ci est soit en français, soit en néerlandais, et toujours en anglais. Au premier coup d’œil, on classifie les personnes selon leur appartenance linguistique. Mais ce qui est plus interpellant, c’est qu’il est quasi impossible de changer cette appartenance institutionnelle. Un candidat qui est inscrit à une élection sur des listes francophones ne pourra jamais figurer par la suite sur une liste néerlandophone, et vice versa. Il est plus simple à Bruxelles de changer de sexe que de régime linguistique puisqu’une simple opération suffit. »

Quatrième critère : l’ignorance entretenue de la réalité de l’autre. « Prenez le cinéma. Vous avez des films flamands magnifiques, obtenant récompense sur récompense… Ils ne sont même pas présentés en Wallonie. Qui est-ce que cela pourrait intéresser, un film flamand ? Cela ne nous intéresse pas, ce qui se passe chez l’autre. On a éventuellement dans un journal un correspondant permanent à Jérusalem ou à New York, mais les rédactions s’intéressent rarement à ce qui se passe de l’autre côté de la frontière linguistique. Qui pourrait chanter une chanson flamande actuelle ? Personne ! Pas un n'en connaît une seule. Elles sont drôles, humoristiques… Mais en général, la culture flamande ne nous intéresse pas. »

Cinquième critère : on surévalue les différences qui nous séparent des deux côtés. « On regarde toujours ce qu’il y a de différent, mais pas ce qui nous réunit. C’est toute une rhétorique : les Flamands, ils sont comme ceci, nous, francophones, nous sommes comme cela. »

Dernier élément : c’est le désir d’expulsion de l’autre. « On se souvient du “Walen buiten” ou des “Franse ratten”… Des collègues ont étudié la rhétorique de certains ministres-présidents flamands et ont vu dans ces dis cours un rêve de nettoyer la mère-patrie des souillures que sont les francophones. L’idée, ce serait une patrie pure et immaculée, une purification avec l’extermination de ces souillures… Vous me direz que j’exagère, mais quand vous entendez qu’il faut que les francophones de la périphérie deviennent de vrais Flamands ou qu’ils déménagent, quand on fait des règlements qui interdisent à ceux qui ne sont pas de vrais Flamands d’accéder à la propriété, à un terrain ou un logement, qu’est-ce que c’est, sinon du racisme ? »

Néanmoins, Anne Morelli ne croit pas que le phénomène s’amplifiera, même si les médias ont un rôle très important dans ce racisme ordinaire, « notamment parce que la presse flamande ne donne absolument pas la parole à ceux qui n’embraient pas dans ce nationalisme, alors qu'il y a presque 70 % de la population flamande qui n’a pas voté pour la N-VA. Cette partie de la population est complètement ignorée par les médias qui axent sur Bart De Wever, sur la N-VA, et avant cela, c’était sur le Vlaams Belang. D’où la nécessité urgente de rassembler les personnes de bonne volonté pour s’interroger loyalement sur les risques réels de la montée d’un racisme institutionnel. »

Ils l'ont dit

« La N-VA est un parti qui a des relents racistes. »
(Charles Michel, MR, mai 2014)


« La N-VA est un parti raciste et pas fréquentable. »
(Francis Delpérée, cdH, mai 2014)


« Pour moi, Francis Delpérée a parfaitement raison. L’extension de la définition du racisme, au-delà de l’aspect premier d’une race qui se sent supérieure à une autre, c’est une communauté qui est stigmatisée et considérée comme un bouc émissaire. On est bien dans le cas relevé par Francis Delpérée. » (Benoît Lutgen, cdH, mai 2014)


« J’ai hâte de voir comment le plus grand parti de Flandre gérera ces nouveaux adhérents, qui avaient appris de leurs anciennes figures de proue qu’une sérieuse dose de racisme en politique ne peut pas faire de mal, au contraire. J’espère vivement que la N-VA communiquera clairement dès le début qu’un terme comme “brunissement” doit être tabou et le demeurer et que la division de la population flamande (!) sur base de couleur de peau est absolument inacceptable. » (Peter Verlinden, journaliste à la VRT, juin 2014)


« Bart De Wever, le chef de file de la N-VA qui a éclipsé le Vlaams Belang, réussit très bien à la télévision avec un mélange d’humour et de populisme. » (Le Réseau européen contre le racisme (ENAR), qui considère la N-VA comme un parti d’extrême droite dans sa publication Les partis d’extrême droite et leur discours en Europe: un défi de notre temps, mai 2012)


« Quelle serait la réaction des observateurs, des médias et des partis francophones si l’un de nos présidents de parti devait serrer la main de Jean-Marie Le Pen - De Wever l’a fait -, assister aux funérailles du fondateur du parti d’extrême droite local - De Wever a assisté à celles de Karel Dillen, fondateur du Vlaams Belang -, et tenir des propos négationnistes, nier la Shoah, comme l’a fait le leader de la N-VA, et comme l’a justement dénoncé, entre autres, un écrivain comme Pierre Mertens ? » (Olivier Maingain, FDF, juin 2011)


« De Wever se radicalise sur les étrangers. Il flirte clairement avec les idées du Vlaams Belang. La peur des sondages. » (Philippe Moureaux, PS, septembre 2013)


« Bart De Wever ? Une pâle copie du Vlaams Belang. » (Karine Lalieux, PS, septembre 2013)


« Ses arguments sont purement politiques. Et racistes, en plus. De Wever vit par phrases : d’un côté, il dit regretter le coup médiatique où il avait envoyé des camions chargés de faux billets aux ascenseurs à bateaux de Strépy pour symboliser le transfert d’argent du Nord vers le Sud. Et, de l’autre, il propage maintenant un discours haineux. » (Philippe Suinen, patron de l’AWEX, octobre 2012)

3 commentaires:

  1. Le Réseau européen contre le racisme (ENAR) ne considère pas la N-VA comme un parti d'extrême droite mais cite simplement le parti comme exemple d'une manière d'utiliser de manière efficiente le populisme dans les médias, précise Georgina Siklossy, porte-parole de l'ENAR.

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  2. Il est totalement faux de dire que la NVA a rejoint les partis d'extrême droite au parlement européen, il a rejoint le groupe eurosceptique fondé par les Tories anglais. Aux dernières nouvelles ce parti n'est pas d'extrême droite. Ce n'est pas du journalisme sérieux

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  3. Il est totalement JUSTE de parler d'extrême droite et de populisme lorsqu'il s'agit des partis composant le groupe Europe Libertés Démocratie!
    Racistes, nationaliste, populistes, fascisants et j'en passe:
    - Ordre et Justice (Lituanie)
    - Mouvement 5 étoiles en Italie
    - Démocrates suédois

    Les anglais de UKIP sont effectivement eurosceptiques comme le tous les partis anglais... mais ils sont en plus nationalistes et remettent tous les maux de la société sur le dos de l'immigration. Je ne connais pas l'Union des paysans de Lettonie ni le Parti des citoyens libres (tchèque) qui sont p-ê juste eurosceptiques, eux.

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