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vendredi 12 juillet 2013

Intradel: Alain Mathot a-t-il touché des pots-de-vin?

Le White Lady of Man, un luxueux yacht loué en 2008 par Léon-François Deferm pour Alain Mathot, avec des fonds issus de commissions occultes présumées dans le dossier de l’incinérateur Uvelia inauguré en 2009 à Herstal.

Depuis son inculpation le 29 novembre 2011 pour corruption passive et blanchiment d’argent, la question est sur toutes les lèvres: Alain Mathot, député-bourgmestre socialiste de Seraing, a-t-il touché des pots-de-vin dans l’affaire Intradel-Uvelia? Dans un dossier exclusif de 15 pages à paraître ce samedi, Marianne dévoile de nouveaux éléments concernant l’une des plus grandes affaires de corruption jamais mise au jour en Belgique.

Avant son inauguration fin 2009, Uvelia, l’incinérateur de l’intercommunale Intradel à Herstal, a fait son tour de chauffe en recyclant des dessous-de-table payés par la firme française Inova pour s’assurer ce marché public de plus de 170 millions d’euros. Via trois filières de fausses factures, près de 13 millions auraient ainsi été soutirés des poches des contribuables wallons pour gonfler celles de quelques élus, consultants et hommes d’affaires. Deux personnes au moins sont en aveux: le corrupteur (Philippe Leroy, ancien patron d’Inova) et un des faux-facturiers (Alain Basilien, ex-échevin hennuyer socialiste). Cette méga-instruction, initiée en 2007 à Liège par une lettre anonyme, devrait être clôturée d’ici quelques semaines.

Alain Mathot jouit bien sûr de la présomption d’innocence. Inculpé ne veut pas dire coupable, loin de là. L’homme a toujours hurlé n’avoir commis aucun acte illégal. Quand l’ex-patron d’Inova a déclaré aux enquêteurs avoir remis au député-bourgmestre de Seraing quelque 722.000 euros dans des enveloppes, lors de discrets rendez-vous dans des hôtels et brasseries parisiens, Alain Mathot a déposé plainte pour calomnie et diffamation contre son accusateur. Reste que, selon nos informations, l’étau judiciaire semble lentement se resserrer autour du socialiste sérésien.

Le yacht et la panaméenne

En août 2008, Alain Mathot a passé un séjour d’une semaine à la Côte d’Azur sur le White Lady of Man, un luxueux yacht de 23 mètres. Il était accompagné par sa directrice de cabinet, un de ses échevins et l’épouse de celui-ci. L’enquête judiciaire a montré que le yacht avait été loué 32.000 euros par Cartwright Corp. Inc., une société panaméenne pilotée par l’homme d’affaires belge Léon-François Deferm, un ami de feu Guy Mathot. Or les enquêteurs liégeois ont découvert que 583.000 euros versés sur le compte de cette offshore proviennent d’Inova via une cascade de fausses factures présumées.

L’argent a d’abord été versé par Inova à la société TPS Techno Projets (Belgique), qui l’a ensuite reversé à Oekotec (Liechtenstein), qui l’a enfin transféré sur un compte personnel de Léon-François Deferm ouvert à la Banque de Luxembourg. Deferm a ainsi touché un million d’Oekotec pour des services de consultance soupçonnés être fictifs. De ce million, il retirera 935.627 euros en espèces lors de plusieurs opérations et en versera quelque 583.000 sur le compte de Cartwright ouvert au sein de la même banque.

Des contacts avec le corrupteur

Alors qu’il prétendait, lors de sa première audition, situer à peine le PDG d’Inova, Alain Mathot, confronté aux enquêteurs qui lui ont mis sous le nez ses relevés téléphoniques Proximus et Mobistar, fut contraint de reconnaître que, oui, il avait bel et bien parlé à l’homme d’affaires français à de nombreuses reprises. Entre le 1er juin 2006 et le 31 décembre 2008, les enquêteurs auraient recensé près d’une cinquantaine d’appels entre les deux hommes. Les 21, 22 et 23 mars 2007, par exemple, Leroy et Mathot se sont appelés pas moins de 12 fois.

Des allers-retours discrets à Paris

L’enquête pénale a en outre établi la présence d’Alain Mathot à de très nombreuses reprises dans des brasseries et hôtels parisiens. Soit le type de lieux où Leroy affirme avoir remis des enveloppes de cash au député-bourgmestre de Seraing. Les relevés de carte de crédit du mayeur socialiste révèlent par exemple qu’il était présent dans la capitale française le 6 mars 2007 à l’hôtel Baltimore, le 9 juillet 2007 dans un établissement du XXe arrondissement, le 5 novembre 2007 au Méridien Etoile… Justification de l’intéressé? «J’aime bien Paris.» Ces allers-retours fréquents dans la Ville lumière ne prouvent rien, bien sûr, mais tendent à confirmer la version de l’ex-patron d’Inova.

Des dépenses suspectes pour 200.000 euros

Enfin, les enquêteurs ont disséqué les dépenses d’Alain Mathot sur la période 2002-2010. Le bourgmestre de Seraing aurait réalisé des dépenses suspectes, en liquide, pour un montant qui avoisinerait 200.000 euros. Ce cash ne proviendrait pas de retraits bancaires réalisés à un guichet ou à des distributeurs de billets. Les 11 et 21 décembre 2007, Alain Mathot paie cash un total de 11.057 euros pour un voyage en Argentine, alors qu’il n’aurait retiré que 4.000 euros en liquide depuis le 2 octobre. Le 18 mai 2009, il dépense 13.752 euros cash pour un séjour en Thaïlande, du matériel audio-visuel et du mobilier. Or depuis le 10 mars, ses retraits d’argent liquide ne s’élèveraient qu’à 2.750 euros. Les enquêteurs pensent qu’il s’agit là de blanchiment d’une partie des commissions que lui aurait versées Philippe Leroy

Pour Alain Mathot, la justice veut «fabriquer un coupable»

Dans une réaction envoyée à Marianne, Alain Mathot s’en prend au travail et à l’indépendance de la justice: «La question n’est pas ici de chercher la vérité mais bien, en utilisant les médias, de fabriquer un coupable même s’il est innocent.» Et il continue de clamer haut et fort son innocence: «Pour votre information, sachez que pas un seul des éléments relevés par les enquêteurs et qui me concernait n’est resté sans une réponse justifiée et étayée. Sachez également que ces réponses prouvent que je n’ai pas posé un seul acte contraire à la légalité.»

David Leloup

Plus d'infos et de détails dans Marianne ce samedi en librairie