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La Cellule de traitement des informations financières (CTIF), l’autorité administrative indépendante chargée de traquer le blanchiment d’argent en Belgique, a récemment ouvert un dossier sur Michel Moll, l’ex-président du conseil d’administration de Belgacom, qui vient justement d’être… blanchi, hier, par l’opérateur télécom suite à des soupçons de conflit d’intérêts.
Moll, qui représentait l’Etat belge au conseil d’administration de Belgacom, qu’il présidait jusqu’à ce qu’il cède sa place à Stefaan De Clerck le 20 septembre dernier, a touché plus de 954.000 euros de l’entreprise chinoise de télécommunications Huawei pour des «conseils stratégiques» fournis en 2010, 2011 et 2012, comme l’avait révélé Marianne.
Or, en novembre 2009, Huawei a signé un contrat-cadre de plusieurs centaines de millions d’euros avec Belgacom pour la mise à niveau de l'ensemble du réseau d'accès radio de Proximus en vue de déployer la 3G sur tout le territoire belge. Un choix qui avait surpris à l’époque, Nokia Siemens Networks fournissant ce type de services depuis des années à Belgacom. Alcatel-Lucent et Ericsson avaient également été des candidats malheureux à l’appel d’offres.
Michel Moll serait suspecté d’avoir obtenu ses consultances, grassement rémunérées par Huawei, en remerciement d’une présumée intervention pour que l’opérateur chinois remporte l’appel d’offres. Cette thèse, qui ne repose pour l’instant que sur un petit faisceau d’éléments convergents, explique pourquoi un organe spécialisé dans la lutte anti-blanchiment tel que la CTIF se penche plus avant sur cette affaire: les 954.000 euros payés par Huawei ont été facturés par la société belge 2MConcept de Michel Moll, laquelle est soupçonnée par la CTIF de servir de machine à blanchir de présumées commissions illégales déguisées en consultances anodines.
Comment? En versant par exemple des dividendes aux actionnaires de 2MConcept, ce qui a déjà été le cas en 2011 à hauteur de 216.000 euros, selon les derniers comptes annuels disponibles auprès de la Banque nationale. Les statuts mêmes de la société de Michel Moll, créée le 13 février 2010 expressément pour facturer sa consultance à Huawei, auraient aussi mis la puce à l’oreille de la CTIF: outre des services de conseil, 2MConcept a notamment pour objet «la construction, le développement et la gestion d’un patrimoine immobilier». Or investir des fonds d’origine douteuse dans la brique, puis louer ou revendre le bien, est une technique classique de blanchiment d’argent.
L’enquête de la CTIF aurait pour bases:
- des coïncidences de dates (les consultances de Moll pour Huawei ont débuté quelques semaines seulement après la signature du contrat avec Belgacom),
- l’attitude agressive de Huawei pour remporter des marchés en Europe (le groupe serait «sans scrupules» et aurait recours à «des pratiques qu’on n’utilise pas ailleurs», selon un expert télécom interrogé par De Tijd), et
- la grande proximité entre Michel Moll et Didier Bellens (le CEO de Belgacom s’est battu au sein du comité de direction pour choisir Huawei comme sous-traitant, avec pour seul argument qu’«ils sont moins chers», selon un témoin cité par L’Echo).
Le capital de 2MConcept est réparti entre Michel Moll (51%), son épouse (25%), et ses deux filles (12% chacune). Administrateur de Belgacom depuis 1994, Michel Moll présidait le CA de l’opérateur télécom depuis mars 2012 ad interim.
David Leloup
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