Le voilier de Didier Bellens fait des vagues à Nieuport

Didier Bellens, patron de Belgacom, sur son voilier, le Windrose, à Nieuport. Photo : Jef Boes.

Belgacom aurait sponsorisé le club de voile de Nieuport pour 100.000 euros en remerciement d’une place obtenue directement par Didier Bellens pour parquer son voilier dans la marina. L’opérateur détenu à 53,5% par l’Etat belge nie tout lien de cause à effet. Mais refuse de répondre à des questions simples qui permettraient de lever toute ambigüité.


En janvier 2012, le quotidien flamand De Morgen révélait que le parquet de Mons avait ouvert une information judiciaire sur une série d'activités de sponsoring du groupe télécom Belgacom. Le sponsoring du Royal Yacht Club de Nieuport (KYCN), où le voilier de Didier Bellens est amarré, était considéré comme suspect mais le motif de la suspicion n’avait pas été dévoilé.

Selon nos informations, il s’agirait d’un «renvoi d’ascenseur» présumé en échange de l’obtention très rapide d’un emplacement pour le voilier de Didier Bellens dans la marina du KYCN. Grand amateur de voile, le patron de Belgacom, s’est offert en 2009 un voilier flambant neuf de 11,9 mètres de long de modèle Dufour 405 Grand Large. Le Windrose, c’est son nom, a été acquis à titre privé pour quelque 160 000 euros auprès de la société française Dufour Yachts.

Le voilier a été immatriculé en juin 2009 et bat pavillon belge. Son port d’attache est celui de Nieuport. Juste après avoir commandé son bateau, Didier Bellens est en effet devenu membre du KYCN, un prestigieux club de voile créé en 1932 dans la petite station balnéaire de Flandre-Occidentale.

Les 420 places de stationnement appartenant au KYCN dans le port de plaisance de Nieuport sont très convoitées. La liste d'attente est longue et il faut patienter au minimum un an avant d’obtenir une place, selon une source. Or, d’après nos informations, Didier Bellens aurait obtenu sa place directement en avril 2009, entre la commande et la livraison de son bateau. En sautant la file d’attente, donc.

Dans la foulée, un contrat de sponsoring de 100.000 euros sur cinq ans est signé avec le KYCN pour développer une école de voile pour les enfants: la Belgacom Sailing Academy. Le contrat est entré en vigueur le 1er janvier 2010 et se terminera le 31 décembre 2014. Chaque année, Belgacom verse 20.000 euros à l’école de voile. L’opérateur n’a pas souhaité nous communiquer la date de signature de ce contrat.

Selon une source bien informée, «ce contrat de sponsoring n’apporte absolument rien à Belgacom». L’opérateur télécom gagne juste un peu de visibilité: le contrat stipule que le logo de Belgacom doit apparaître dans toute la communication de l’école de voile (pas du KYCN), que quelques drapeaux à l’effigie de l’entreprise doivent flotter aux abords de l’académie, et qu’un panneau d'accueil avec le logo doit être installé sur place. Le contrat précise aussi que le KYCN peut mettre son restaurant à disposition de Belgacom dans le cadre d'un événement d’entreprise.

Depuis quelle date Didier Bellens est-il membre du KYCN? Quand a-t-il introduit une demande d’emplacement pour son voilier? Et à quelle date a-t-il obtenu cette place? Des réponses claires à ces questions permettraient de lever toute ambigüité, mais Belgacom n’a pas souhaité y répondre. «Ces questions relèvent de la vie privée de Monsieur Bellens», estime Jan Margot, porte-parole de Belgacom, qui ajoute que Didier Bellens paie à titre privé les cotisations annuelles ainsi que la location d’une place dans le port.

«Ce n’est pas parce que Belgacom a un contrat avec le Sailing Club de Nieuport afin de soutenir des jeunes passionnés de voile qu’il faut faire un lien avec les activités privées de son CEO, poursuit le porte-parole. Belgacom a une longue tradition de sponsoring du sport à voile (John Goossens, Trimaran, tour du monde, etc.). Grâce à ce mécénat, Belgacom perpétue la tradition du soutien qu’elle apporte depuis des années au sport de la voile. Ce sponsoring fait partie intégrante de notre stratégie de sponsoring qui met l’accent sur deux axes: les sports et l’entertainment.»

Le KYCN se défend pour sa part d’avoir accordé la moindre faveur à Didier Bellens: «Nous traitons les dossiers dans l’ordre des inscriptions. Il n’y a pas de passe-droit, la demande de Monsieur Bellens a été traitée comme les autres.»

L'information judiciaire se poursuit à Mons, mais n'a toujours pas été mise à l'instruction.

David Leloup