vendredi 23 mai 2014

Le FDF va-t-il survivre au 25 mai?

(c) Belga
Le parti amarante d’Olivier Maingain ira seul aux élections, pour la première fois depuis vingt ans. Il est pour lui vital d’entrer au gouvernement bruxellois. Pour se régénérer en paix.

Gabriel Garcia Marquez est mort. Les FDF – on ne dit plus Front démocratique démocratique des francophones, mais Fédéralistes, démocrates, Francophones- lui sont un hommage très vivant. La question, aujourd’hui, se pose, de la permanence de cet hommage. A Macondo-en-Woluwe en effet, une petite tribu se livre à des jeux politiques baroques. Personne n’en comprend vraiment les ressorts, mais tout le monde s’en occupe. Bernard Clerfayt hérite de Georges qui, à 78 ans, se présente en périphérie bruxelloise. Olivier Maingain, en conflit avec Bernard, émigre vers Woluwé-saint-Lambert, mais Fabian siège à sa suite sur les bancs de l’Hôtel de Ville de Bruxelles. Caroline Persoons est échevine dans la commune que dirigeait son père François il y a quarante ans, Woluwé-saint-Pierre. Une scénographie qui eût pu être inspirée des six générations de l’engeance des Buendia. Or, «aux lignées condamnées à cent ans de solitude, il n’était pas donné de seconde chance», écrit Garcia Marquez pour conclure son roman. Le FDF, lui, a cinquante ans. Mais de cette solitude, il ne veut plus.

Olivier Maingain, inamovible président, avait pourtant d’abord fait de la solitude un leitmotiv, menant son parti d’une singularité fructueuse (en 2010, les candidats FDF sur les listes MR à Bruxelles-Hal-Vilvorde eurent plus de succès que leurs camarades libéraux) à un dangereux isolement, à partir de sujets communautaires motivants, puis lassants. Lorsque le FDF quitte le MR, c’est sur la Sixième réforme de l’Etat. Sa raison d’être. En science politique on appelle ça une «critical juncture», une question qui traduit l’existence d’un clivage structurant la société.

Or, un clivage, ça évolue. Les lignes bougent, comme on dit. Cette fracture communautaire a connu ces dernières décennies deux importantes mutations. D’une part, les successives réformes de l’Etat ont largement pacifié les débats. D’autre part, et en corollaire, les autres partis du prisme politique ont eux-mêmes absorbé ce clivage: au Nord comme au Sud, chacun se présente en défenseur mordicus de la cause francophone ou flamande (biffez la mention, etc.). Le pire adversaire de Bart De Wever a pu être Olivier Maingain, naguère. C’est désormais Elio Di Rupo. C’est ainsi qu’aujourd’hui, l’existence d’un parti monothématique, comme le FDF l’est perçu –et sa rupture avec les libéraux, sur une crise institutionnelle, n’a rien fait pour atténuer cette perception- est une anomalie. Ce n’est pas nouveau, notez: on le disait déjà dans les années quatre-vingt, après seulement deux réformes de l’Etat, et après ces années septante qui firent du FDF le premier parti bruxellois. C’était l’époque du «Bruxellois maître chez toi!». On y vient.

C’est vital: l’opposition bruxelloise, pour cinq ans, ça ne rapporte rien. Il faudra être au au pouvoir quelque part. Pas au fédéral, où ses deux ou trois députés fédéraux ne seront ni nécessaires, ni admissibles pour la Flandre. Pas en Wallonie, où l’implantation du FDF est fastidieuse. Reste le gouvernement bruxellois, où Didier Gosuin a jadis exercé à la satisfaction générale.

Cela demande deux conditions. Primo, accrocher la place de troisième parti bruxellois aux dépens d’ECOLO et du CDH. Les sondages autorisent cette ambition. Secundo, mettre en veilleuse son profil francophonissime. Olivier Maingain se prépare à la prouesse, lui qui a bâti sa notoriété sur une superbe intransigeance, mais qui, pour sauver son parti, devra se montrer plus que transigeant: minablement docile. Dans la veine, le président amarante a récemment envisagé de diriger la Région-Capitale avec la N-VA. Cette docilité devra même faire tomber une troisième condition hypothétique, imposée par les tortueuses relations interpersonnelles de Maingain avec la famille Michel, qui pourrait avoir la main sur Bruxelles.

Gérard Deprez, qui s’est souvent coltiné Maingain aux temps de la Fédération PRL-FDF-MCC, puis du MR, y voit plus qu’un écueil: un barrage. «Maingain est prêt à tout pour que le MR reste dans l’opposition. Donc il va tout faire. Tout.» Ceux qui sont moins personnellement vindicatifs envers le bourgmestre de Woluwé-saint-Lambert le voient autrement: «Maigain est prêt à tout pour que son parti monte dans le gouvernement bruxellois. Tout! Il n’est pas suicidaire: il sait que la survie du FDF en dépend. Donc il sera flexible», augure un socialiste bruxellois.

Et puis? Que le tournant soit bien négocié ou pas par Olivier Maigain n’exonèrera pas le FDF d’un travail de refondation. Même au pouvoir, il faudra assurer un renouvellement: au terme de son éventuel mandat ministériel, Didier Gosuin aura 67 ans. La possibilité d’un passage de relais en cours de législature –en faveur de l’Ucclois Emmanuel De Bock?- est d’ores et déjà chuchotée. Il faudra s’implanter au-delà des derniers bastions municipaux du sud et du sud-est (Uccle, Schaarbeek, les Woluwé, etc.). On compte beaucoup pour cela sur le Molenbeekois Michaël Vossaert.

La présidence d’Olivier Maingain devrait se clore en 2015. Un changement de nom, annoncé à nos confrères du Vif la semaine dernière, est envisagé. Il insisterait, dit-on, plutôt sur l’identité bruxelloise que sur son caractère francophone. Bruxellois maître chez toi! On y revient. Une revendication plus inclusive qu’à l’époque: l’identité bruxelloise s’affirme, dans toutes les catégories sociales, et le nouveau parti pourrait favorablement s’imposer en parangon. La mue est risquée, certes. Mais moins incertaine, au hasard, que celle du PSC en CDH. C’est que Gabriel Garcia Marquez a aussi écrit Chronique d’une Mort annoncée. Olivier Maingain ne l’ignore pas.

Nicolas De Decker

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