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L’instruction 39/06, ouverte pour «corruption active
et passive» par la juge Baeckeland et bouclée l’an passé par la juge
Sylviane Pichuèque, charge la société financière IFCA SA, le cabinet de
comptabilité Fidecom SPRL, la Société wallonne du logement (SWL), plusieurs
fonctionnaires wallons, et la société de droit suisse Risk Management Group
(RMG).
La justice s’intéresse depuis 2006 à l’IFCA, réputée proche
de certains anciens dirigeants carolorégiens. En 2000, l’IFCA avait subitement
remplacé Dexia pour gérer les fonds de pension de la Ville de Charleroi et de l’Intercommunale
de santé publique du pays de Charleroi (ISPPC).
L’argent des pensions carolo, soit quelque 35 millions d'euros,
avait ainsi été placé par l’IFCA dans des contrats d’assurance de la Branche 23
proposés par la Société Générale de Paris. Un placement plus risqué que chez
Dexia, qui gérait jusque-là ces fonds de manière satisfaisante.
Le réquisitoire du parquet, bouclé le 8 février dernier par la
substitute Catherine Badot, reproche aux deux administrateurs de l'IFCA, Daniel
Wautelet et Raymond Thibeau, d’avoir reçu de la Société Générale près de 1,6
million d'euros de commissions «d'apporteur d'affaires» qui se sont
retrouvées sur des comptes en Suisse et aux Bahamas.
Il leur est également reproché d’avoir touché des
commissions similaires pour au moins 2,4 millions d’euros,
dont une bonne moitié versée par la Compagnie de Trésorerie Benjamin de
Rothschild, afin de remercier les deux hommes d’avoir vendu certains produits financiers à
la SWL et à la Société wallonne du crédit social (SWCS).
Daniel Wautelet et Raymond Thibeau ont été inculpés en
février 2008. La substitute demande aujourd’hui leur renvoi en correctionnelle.
Séminaires au ski et
essuies Hermès
Dès la fin des années nonante, l’IFCA a conclu plusieurs
conventions de consultance financière, notamment pour des conseils en gestion,
avec la SWL comme avec d’autres institutions: SWCS, Office national de
l’enfance, Fonds Houtman, Fonds du logement des familles nombreuses de Wallonie…
Dans le même temps, une quinzaine de fonctionnaires auraient
profité de menus cadeaux: le réquisitoire évoque des hébergements en
Suisse et un week-end au ski en 2007, ainsi que…des essuies de plage Hermès. Le tout offert
par la société suisse RMG, dirigée par Guillaume Pieyre, un proche de Daniel
Wautelet. Suite à ces cadeaux, certains fonctionnaires wallons, dont la
directrice financière et le directeur de la comptabilité de la SWL, «ont
effectivement usé de l’influence dont ils disposaient» pour favoriser RMG,
estime le ministère public.
Alain Rosenoer, lui, n’a pas profité de ces libéralités. Mais
on lui reproche d’avoir permis à Pieyre de participer à des réunions internes à
la SWL, ce qui aurait avantagé sa société RMG dans plusieurs marchés publics.
Pieyre aurait en effet profité de ces réunions pour «obtenir des
informations financières relatives à la SWL et (…) distiller des conseils qui
peuvent influencer les appels d’offre, lui permettant ainsi de favoriser des
institutions financières anglaises qui vont commissionner sa société RMG pour
les marchés publics qui leur seront octroyés», peut-on lire dans le réquisitoire.
Si les charges retenues contre Alain Rosenoer paraissent
plutôt légères face à celles pesant sur les autres personnes physiques et
morales citées dans le réquisitoire, cette demande de renvoi intervient
politiquement au mauvais moment pour l’actuel directeur général de la SWL. Il a
récemment été désavoué par son ministre de tutelle, Jean-Marc Nollet, suite à
un audit sur la gestion des ressources humaines au sein de l’organisme qu’il
dirige.
La Région wallonne examine pour le moment l’éventualité de
se porter partie civile dans le dossier. En ce qui concerne le renvoi de la SWL
en correctionnelle, le parquet précise à celle-ci qu’il serait «disposé à
transiger en cette affaire moyennant le paiement d’une transaction de 10.000
euros».
Nicolas De Decker et
David Leloup
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